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Les 2 infinis
presence
10 mai 2012

Quand je mange, je mange

Il y a bien longtemps, en Chine, un jeune moine demanda à son maître zen : « Qu’est-ce que l’éveil ? Comment est-ce pour vous ? » À quoi le maître répondit : Quand je mange, je mange. Quand je dors, je dors. »
On ne fait généralement guère attention à ce qu’on dit ou fait. On mange, sans vraiment manger ; on dort, sans vraiment dormir. Notre esprit est distrait, nos pensées partent dans tous les sens. On est souvent trop occupé à se lamenter sur le passé ou à s’y raccrocher, quand on n’est pas en train d’anticiper l’avenir ou de le redouter. Au lieu d’habiter pleinement son corps et de ressentir son vécu, on n’est qu’à demi conscients – dans les meilleurs cas. Pas complètement présents, à peine conscients. Pour preuve de ce triste état de choses, les bêtises et les aberrations qu’on commet en traversant l’existence comme en pilote automatique.
À force d’être si occupé et si pressé, on oublie de rester en contact avec ce qu’on est et ce qu’on fait. Si bien qu’on passe à côté de la beauté et de la tristesse, à côté de la réalité de sa vie, de sa texture particulière. On passe à côté de la vérité de ses expériences, d’instant en instant. Le manque de vigilance nous rend inattentif : on blesse les autres sans réfléchir, parfois même sans s’en apercevoir. Et l’on se fait soi-même du mal. On s’endort continuellement aux commandes de sa vie, risquant toutes sortes d’accidents physiques autant qu’affectifs.
Faute d’être pleinement conscients, on marche sur la fourmi, ou pire. On ne fait pas attention à son vécu dans l’immédiateté de l’instant présent et, quand enfin on lève le nez, on est déjà embarqué dans des relations personnelles désastreuses. Faute d’être attentif aux êtres qui nous sont chers, on se retrouve avec des enfants distants et des conjoints furieux. Le manque de vigilance et de conscience alerte a des répercussions dans tous les domaines, depuis les clés qu’on égare jusqu’aux vies qui dérapent. Conscience du présent et vigilance signifient savoir ce qu’on fait et ce qu’on dit. Contrairement aux apparences, il n’est pas facile de vivre pleinement le moment présent. Pas plus que de maintenir une conscience lucide et de rester vigilant.

Lama Surya Das, Éveillez le Bouddha qui est en vous

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28 avril 2012

Voir l'ordinaire

hopper_gas
Gas (Station service) par Edward Hopper (1882-1967)

Tu passais, et tu t'es arrêté : il y avait quelque chose de particulier. La lumière, peut-être, à ce moment de la journée où viennent les ombres de la nuit et où les lueurs électriques créent lentement des îlots d'humanité dans la noirceur ? Ou bien la douceur de l'air ? Ou la masse sombre de la forêt alentour ?
Tu remarques ce détail, tout bête, du Pégase sur le panneau éclairé. Ce grand Pégase rouge avec ses trois petits frères piaffant d'impatience de s'élancer dans le ciel, vers le néant de la nuit. Cette effigie de Pégase comme une ancre étrange ton attention. Et te voilà présent à tout le reste de cet instant banal et ordinaire. Tu prends conscience des vapeurs d'essence, de la mélodie usée et gentiment débile qui sort d'une radio allumée quelque part dans la maison éclairée. Ce ne sont ni la beauté ni la bizarrerie de cet instant qui te touchent et t'immobilisent corps et âme. Tu n'as pas besoin de ça, beauté ou bizarrerie, pour arrêter le flots de tes pensées, de tes gestes et de tes projets. Tu t'es arrêté parce que cet instant est unique. Parce que tu ne reverras plus jamais exactement ce que tu vois. Parce que tu ne revivras plus jamais exactement ce que tu vis. C'est ça, tu as compris : tu t'es arrêté parce qu'à surgi à ta conscience l'essentiel. Tu es en train de vivre un bout de vie. Comment peux-tu oublier ça si souvent ? Oublier que vivre est une chance, oublier que chaque instant de vie est un miracle. Gagné sur la nuit, sur la mort, sur le néant. Comment peux-tu oublier ça ? N'oublie plus jamais de vivre. Maintenant, par exemple : relève la tête et regarde autour de toi avec les yeux d'un nouveau né, comme si jamais encore tu n'avais vu ce que tu vois.

Christophe André, Méditer, jour après jour - 25 leçons pour vivre en pleine conscience

31 mars 2012

Vigilance constante !

La pleine conscience, la vigilance signifient que vous avez une conscience complète de tout ce qui se passe en ce moment. Vous êtes présent. Si, lorsque vient la colère vous êtes présent, la colère ne peut alors pas exister. Elle ne peut éclater que lorsque vous êtes profondément endormi. Lorsque vous êtes présent, la transformation de votre être est immédiate car lorsque vous êtes vigilant, de nombreuses choses ne sont tout simplement plus possibles. Si vous êtes conscient, tout ce qui est considéré comme des péchés n'est en réalité plus possible. En fait il n'existe qu'un seul vrai péché, c'est la non-vigilance.
L'origine du mot anglais sin (péché) signifie manquer quelque chose et non pas commettre une erreur. La racine hébraïque de ce mot signifie exactement manquer, oublier. Manquer quelque chose, oublier, cela signifie faire quelque chose sans être présent - c'est le seul péché. Et la seule vertu ? C'est être pleinement attentif à ce que vous faite. C'est ce que Gurdjieff appelle le rappel à soi, Bouddha nomme cela la pleine conscience, Krishnamurti parle de vigilance et Kabir utilise le mot hindi surati. Le sens est à chaque fois le même : être ici et maintenant ! Rien d'autre n'est nécessaire, absolument rien d'autre.

Osho (Etre en pleine conscience)

17 mars 2012

Le guerrier pacifique (extrait)

21 février 2012

Illuminez-vous

La voie de Bouddha était vipassana, ce qui signifie être le temoin. Bouddha a trouve la plus grande technique jamais découverte, celle d'observer sa respiration. Vous n'avez besoin que d'observer votre respiration. La respiration est un phénomene simple et naturel. De plus, elle est présente vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Vous n'avez aucun effort a faire. Pour répéter un mantra, vous devez faire un effort, vous devez vous forcer. Pour dire continuellement « Ram, ram », vous allez devoir dépenser beaucoup d'énergie et vous allez forcement l'oublier de nombreuses fois. De plus, le mot Ram est encore quelque chose qui appartient au mental et ce qui appartient au mental ne peut jamais vous amener au-delà du mental.
Bouddha aborde la chose sous un angle totalement nouveau. II vous faut juste observer votre respiration, les inspirations et les expirations.
(...)
Vous serez surpris de voir le miracle d'un tel processus dans lequelle mental ne joue aucun rôle.
L'observation n'est pas une qualité du mental, c'est une qualité de l'âme, de la conscience du soi. L'ob­servation n'est absolument pas un processus men­tal. Quand vous observez, le mental s'arrête, il cesse d'être. Oui, au départ, vous oublierez de nombreuses fois, le mental interférera et jouera encore ses vieux jeux. Mais quand vous vous rappelez que vous avez oublié, il n'y a aucun besoin de vous sentir coupable ou fautif. Revenez simplement a l'observation, obser­vez de nouveau votre respiration. Petit a petit, le mental interférera de moins en moins.
Et quand vous pourrez observer votre respiration pendant quarante-huit minutes sans arrêt, vous serez illuminé !
Vous vous dites alors : « Seulement quarante-huit minutes ? » Vous pensez que ce n'est pas si difficile... ce ne sont que quarante-huit minutes! Mais en fait, c'est très difficile. Rien qu'en quarante-huit secondes, vous êtes déjà emporté par le mental de nombreuses fois! Essayez ce petit exercice avec une montre devant vous. Au debut, vous ne pouvez pas être observateur plus de soixante secondes. En une minute, vous oublierez d'être temoin de nombreuses fois. Vous en oublierez la montre et l'exercice! Certaines idees vous empor­teront loin, bien loin. Puis, soudainement, vous réa­liserez... vous regarderez la montre et dix secondes seront passées. Pendant dix secondes, vous n'avez pas observé.
Petit a petit, cela viendra tout seul, c'est un truc a prendre. Ce n' est pas une pratique, c'est un truc à sai­sir. Progressivement, vous I'integrerez en vous. Et une fois que vous aurez goûté à ces merveilleux moments de bien-être, de joie, vous souhaiterez les retrouver de nouveau ; non pas pour un quelconque objectif... simplement pour la seule joie d'etre dans cet espace, pour être présent à la respiration.

Osho (Etre en pleine conscience - Une présence à la vie)

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19 février 2012

Méditer en marchant

La technique de méditation en marchant que je vous propose est relativement simple et d’une grande efficacité. Elle repose sur la différence entre voir (l’ensemble) et regarder (un point en particulier).
Elle consiste simplement à voir plutôt qu’à regarder. Mais il s’agit en fait d’exercer un contrôle non pas sur la vue – qui assure toujours à la fois les deux fonctions : voir et regarder – mais sur l’attention.
Cette technique consiste à élargir l’attention à l’ensemble de ce qui est perçu, donc à ce qui est vu plutôt que de la restreindre à ce qui est regardé. Autrement dit, pour employer un langage plus technique, il s’agit de dissocier l’attention de la vision restreinte assurée par la fovea centralis (et, relativement, par la macula oblongata) pour l’investir dans le champ visuel élargi, en fonction de la vision périphérique.
Je connais, pour l’avoir pratiquée, la technique inspirée du Vipassana (technique bouddhique de méditation) qui consiste, pendant la marche ralentie, à être attentif au moindre mouvement du corps. Mais j’étais à la recherche d’une technique qui permettrait, pendant la marche normale, d’apaiser le fonctionnement du mental, de favoriser la conscience du corps de même que la présence à soi.

Ce qu’il faut savoir sur la vue :
Pour l’exposé qui suit, je m’inspire des notes de cours que j’ai donnés pendant plusieurs années en communication à l’Université McGill, dont certains portaient sur la perception sensorielle.
La vision se définit à trois niveaux :
- La fovea, zone restreinte où la vision est la plus nette, mais de 3º à 4º seulement, qui permet de focaliser.
- La macula, zone où la vision est moins nette que celle de la fovea, mais de 12º à 15º en largeur et de 15º à 18º en hauteur, et de forme ovoïde.
- La vision périphérique, zone où la vision est encore moins nette, mais dont le champ est d’environ 160º à 180º.
La perception au niveau de la fovea et de la macula est assurée par les cônes qui permettent de percevoir la forme et les couleurs; alors que la perception au niveau de la vision périphérique est assurée par les bâtonnets qui permettent de percevoir le mouvement. Ce dernier point est important dans la mesure où la perception du mouvement n’est pas que visuelle mais aussi de nature spatiale, donc associée à l’expérience tactile. La vision périphérique contribue donc aussi à se percevoir dans l’environnement.
Les différents niveaux de perception visuelle font l’objet d’un collage par le cerveau, ce qui donne l’impression d’une expérience unifiée.
Comme on le voit, il s’agit d’une question complexe. Je ne vais retenir pour la suite de cet exposé que les informations démontrant la différence entre la perception visuelle assurée par la fovea (et la macula) – regarder – et celle qui est assurée par la vision périphérique – voir.
Afin de bien saisir cette différence, il est capital d’en faire soi-même l’expérience. Je vous suggère donc de constater :
    a) que la vision focalisée, assurée surtout par la fovea, est restreinte : il suffit de regarder un objet, qu’il soit proche ou éloigné, pour constater qu’on n’en perçoit avec netteté qu’une toute petite partie;
    b) et qu’il est possible de prendre conscience de la vision périphérique en élargissant le champ de l’attention des deux côtés à la fois sans bouger les yeux.

Telle est, en somme, la différence entre regarder – vision restreinte et voir – vision élargie.
Et telle est, par ailleurs, la différence au niveau de l’expérience visuelle entre l’attention active – regarder; et l’attention passive – voir.
Regarder est donc associé à l’attention active; voir, à l’attention passive.
Deux expressions, en langue anglaise, rendent particulièrement bien la différence entre l’attention active: «to be conscious of», et l’attention passive: «to be aware of».
Je viens d’en faire encore une fois l’expérience. J’ai d’abord levé les yeux pour regarder une fleur qui se trouve dans un vase sur ma table de travail; puis, sans cesser de regarder cette fleur, j’ai élargi le champ de mon attention en fonction de la vision périphérique, de façon à voir d’un côté la porte et de l’autre la fenêtre, devenant ainsi conscient – mais au sens anglais de «aware» – de la totalité du champ visuel.
Méditer en marchant consiste précisément à élargir le champ de l’attention en fonction de la vision périphérique : donc, à voir plutôt qu’à regarder, passant ainsi de l’attention active à l’attention passive.
Or, chaque fois que j’élargis ainsi le champ de l’attention, passant de l’attention active à l’attention passive, je constate :
- que l’environnement ne me paraît plus être à l’extérieur de moi, mais que je me perçois, au contraire, à l’intérieur – augmentant ainsi mon sentiment de participation;
- qu’il m’est plus facile, lorsque mon attention correspond à la vision périphérique, de prendre conscience de mon corps, de ma présence ici et maintenant, et d’être conscient de moi-même, conscient d’être;
- enfin, qu’il m’est plus facile, aussi, d’apaiser le fonctionnement du mental : dans la mesure où l’attention passive est soutenue, «ça» cesse de parler dans ma tête...
Élargir le champ de l’attention en fonction de la vision périphérique représente donc, à toutes fins utiles, une technique de méditation.

Lorsque l’expérience visuelle s’apparente à l’expérience audio-tactile
Passer de l’attention active, correspondant à la vision de la fovea, à l’attention passive, correspondant à la vision périphérique, entraîne une modification au niveau même de la perception sensorielle : l’expérience que l’on fait de l’environnement et de sa relation à l’environnement n’est plus à proprement parler de nature visuelle, bien qu’elle soit déterminée par la vue, mais, relativement, de nature audio-tactile.
Je m’explique :
Lorsque je regarde, je me perçois à l’extérieur de ce que je regarde – depuis un point de vue; mais, au contraire, lorsque je vois, je me perçois à l’intérieur de ce que je vois.
Regarder particularise, détache l’observateur de l’objet observé; voir généralise, globalise, rattache l’observateur à l’environnement.
Voir est, par rapport à regarder, comme entendre, par rapport à écouter.
Je suis à l’intérieur de ce que j’entends. Je participe de ce que j’entends. De même, je suis à l’intérieur de ce que je vois. Je participe de ce que je vois.
Or, dans la mesure où, dans l’expérience de voir, l’oeil n’est plus actif mais devient passif, où l’attention elle-même n’est plus active mais passive, où l’observateur ne se perçoit plus à l’extérieur mais à l’intérieur de l’environnement, l’expérience visuelle s’apparente alors à l’expérience audio-tactile. Et c’est pourquoi d’ailleurs il suffit de passer de l’attention active à l’attention passive pour qu’il soit relativement facile de prendre conscience de son corps dans l’environnement, de sa présence ici et maintenant – de devenir conscient d’être.

(...)

Une technique de rappel à soi
Cela nous amène aux  techniques de rappel à soi de George I. Gurdjieff, qui visent à éveiller la conscience d’être. Car nous sommes rarement conscients de nous-mêmes. Le plus souvent, nous nous définissons au niveau de la conscience ordinaire, sans être conscients d’être.
Aux techniques de rappel à soi qu’on trouve d’ailleurs non seulement chez Gurdjieff mais, comme je devais aussi le découvrir, dans d’autres écoles de sagesse, je suggère d’ajouter celle que j’ai tenté de définir dans cet exposé.
En résumé, cette technique peut se ramener à la formule que j’ai proposée au début : dissocier l’attention de la vision restreinte de la fovea (regarder) et l’investir dans le champ élargi de la vision périphérique (voir).
J’estime, pour en avoir souvent fait l’expérience, qu’elle est d’une très grande efficacité... à propos d’efficacité, il est peut-être utile que je parle brièvement, en terminant, du rôle de la respiration. Je suggère, au moment d’élargir l’attention à la vision périphérique, d’inspirer lentement, puis d’expirer plus rapidement. L’inspiration favorise la concentration, alors que l’expiration entraîne souvent une diffusion de l’attention. Comme en témoigne un des principes de la lecture rapide : on retient mieux... ce qu’on inspire! C’est la raison, du moins je le suppose, pour laquelle, dans certaines pratiques méditatives, celle de zazen en particulier, on demande de mettre plutôt l’accent sur l’expiration – afin sans doute de compenser la tendance à la diffusion de l’attention, parvenant ainsi à une concentration plus égale. Mais il demeure que chaque fois qu’on a du mal à concentrer son attention, il faut s’appuyer sur l’inspiration, le temps de reprendre le contrôle de la concentration, pour ensuite s’appuyer au contraire sur l’expiration, ce qui rend la concentration plus stable.
Voir, c’est la technique de méditation que j’associe plus particulièrement à la marche, mais qui trouve aussi à s’appliquer à peu près à toutes les situations de la vie.

www.radio-canada.ca

2 février 2012

ici et maintenant

Vivre en pleine conscience, c'est être vraiment là, pleinement vivant ici et maintenant. C'est la capacité de vivre profondément chaque instant de notre vie quotidienne. La méditation ne se pratique pas seulement dans la salle de méditation, mais aussi dans la cuisine, au jardin, au téléphone, au volant d'une voiture, en faisant la vaisselle...Il y a pleine conscience chaque fois que le corps et l'esprit sont réunis. Notre vraie demeure est ici et maintenant.

Thich Nhat Hanh, extrait de la revue Terre du ciel n°65

Chaque instant de votre vie peut servir à pratiquer la pleine conscience. Que vous soyez à attendre votre repas ou à faire la queue pour l'appel, vous pouvez respirer en toute conscience ou pratiquer la technique du sourire. Veillez à ne pas gaspiller aucun instant de votre vie, toute minute qui passe pouvant être utilisée pour cultiver la solidité, la paix ou la joie. Après seulement quelques jours de pratique de la pleine conscience, votre entourage retirera un certain bien-être de votre présence - ce dont vous vous rendrez compte. Votre présence ici peut être celle d'un bodhisattva, d'un saint. Cela est du domaine du possible.

La pratique de la pleine conscience consiste à nous relier aux éléments merveilleux qui sont en nous, qui nous régénèrent et nous guérissent. Sans la pleine conscience, nous avons tendance à laisser pénétrer en nous des éléments nocifs à nos organismes et à notre esprit. Le Bouddha a dit que rien ne peut subsister sans nourriture. La joie ne peut subsister sans nourriture, pas plus que la tristesse ou le désespoir. Si le désespoir est en nous, c'est parce que nous lui procurons une nourriture qui lui profite. Pour lutter contre la dépression, le Bouddha recommande de poser sur elle un regard scrutateur afin de pouvoir distinguer les différentes nourritures qu'on lui procure. Dès que vous avez identifié une source particulière de nourriture, coupez-vous en. Après seulement une ou deux semaines vous constaterez que votre dépression s'est évanouie.

Thich Nhat Hanh, extraits de Soyez libre là où vous êtes, Editions Dangles, 2003

29 janvier 2012

Anti-stress

Êtes-vous stressé ? Êtes-vous si pressé d'arriver au futur que le présent n'est plus qu'un moyen d'y parvenir ? Le stress survient quand on est "ici" tout en voulant être "là-bas", c'est à dire quand on est dans le présent tout en voulant être dans le futur. C'est une fêlure qui vous déchire de l'intérieur. Créer et vivre cette fêlure interne est malsain. Et le fait que tout le monde soit concerné n'y change rien.

Eckhart Tolle, Le pouvoir du moment présent

11 janvier 2012

Méditation

Si vous pratiquez la méditation pour arriver quelque part, pour engranger des profits, pour devenir quelque chose, pour vous libérer ou pour devenir un être réalisé, alors que faites-vous de vraiment différent de la plupart des êtres humains qui calculent et s'inquiètent sans répit ? Par contre, si vous vous donnez à des instants libres de ce genre d'arrivisme et de petitesse - et de tels moments surgissent chaque jour, il suffit d'être attentif - alors vous sortez de l'habitude. L'acte que n'entrave aucun but est pure puissance. La méditation désencombrée de toute direction volontaire est pur éclat.
Comme vous le dites, à une certaine époque, il m'est arrivé de dispenser des "cours de méditation". Cette formulation malheureuse a peut-être laissé croire qu'il y a des instructions spéciales, quelque chose à faire, à apprendre, à mémoriser et à emporter chez soi pour le ressortir plus tard, quand on éprouve de la difficulté à faire face à sa vie. Non. Il n'y a pas de système, il n'y a pas de truc. Vous posez la question d'un "genre" de méditation. Or, tant que la méditation a un genre, cela demeure une activité mondaine. Il n'est donc pas question de méditation bouddhiste, de méditation zen, de méditation dynamique, de méditation soufie, etc. Tout cela c'est de la poudre aux yeux, c'est du spectacle ; ne vous laissez pas impressionner par les images, par le décorum et les réputations que se sont laborieusement forgées les gurus à la mode, les gérants d'ashrams et les directeurs d'écoles de méditation, qu'ils soient occidentaux ou orientaux. Voyez, même les chrétiens tentent désespérément de récupérer ce mot populaire depuis quelques décennies : après deux mille ans de bavardage inutile et la condamnation de la méditation par le pape actuel, il y a maintenant une méditation chrétienne.
La question d'un "genre de méditation" est très liée à celle d'une autorité spirituelle et de toutes les bêtises qui viennent avec cela. J'ai personnellement été témoin du désolant spectacle d'êtres humains captifs d'un système de méditation et d'une idéologie de libération personnelle ; j'ai vu des gens à première vue très brillants être complètement subjugués par la pensée d'un malheureux "être réalisé" affligé du besoin compulsif d'être approuvé et admiré. Je les ai vus adhérer à une doctrine et suivre la ligne du "parti" avec le même aveuglement que les Jésuites ou les gardes rouges chinois du temps de Mao. Il faut avoir vu les romantiques adeptes de tels groupuscules sectaires s'agglutiner pendant des années dans des lieux exotiques pour se concentrer. Il faut avoir vu tous ces gens se retirer dans ces camps de concentration et même souvent se mettre des bouchons dans les oreilles pour "méditer", afin de ne pas entendre la rumeur du monde, qui n'est rien d'autre que la rumeur de Dieu. Je puis témoigner que vingt, trente ans plus tard, ces dormeurs posent toujours les mêmes questions et reçoivent toujours les mêmes réponses formulées de la même manière et avec les mêmes mots. Derrière les barbelés psychologiques dressés par leur guru autour du camp, les croyants se sentent toujours aussi frileux devant la vie et ses grands espaces ouverts.
Je remercie les dieux de m'avoir mis en contact avec cette caricature, où le maître est incapable d'entendre la moindre critique ou suggestion d'une autre approche et où les disciples se sentent immédiatement menacés à la suggestion d'un autre système ou, suprême horreur, de l'absence de système. Ce fut pour moi une grande leçon : j'ai vu comment naissent les sectes - toutes les sectes, dont la plus grosse est l'Église catholique -, les systèmes, les encadrements et les structures. J'étais assis aux premières loges.
Mettre lourdement l'accent sur une quelconque technique et sur une idéologie pour se libérer, c'est une stratégie pour ne plus ressentir sa vie telle qu'elle est. Ce réflexe pathologique face à la peur et à la souffrance (qui n'est rien d'autre qu'avoir des problèmes avec la réalité) est, bien sûr, un ajournement. Cet ajournement peut être nécessaire, quand notre trajectoire passée dans l'espace-temps ne nous laisse pas le choix, mais ça n'en demeure pas moins un ajournement.
De grâce, soyez un peu sérieux ! Si vous avez la capacité d'entendre cela, alors vous n'en serez plus réduit à aller faire la queue pendant des heures pour recevoir l'accolade d'une figure exotique qui flatte les images romantiques populaires. Vous ne ressentirez plus le besoin de ce genre de pitreries. Vous serez libre de cette frilosité qu'est la religion sous quelque forme que ce soit. Les religions, les idéologies, les groupes hiérarchisés, avec leurs leaders, leur autorité, leurs dogmes, leurs promesses, leurs techniques et leurs programmes pour vous éviter de ressentir la misère de ce que vous avez échafaudé dans votre vie, sont des calamités dont vous pouvez très bien vous passer tout de suite, sans autre simagrée. Dans tous les groupes religieux, autour de toutes les autorités spirituelles, on retrouve invariablement les mêmes promesses de mieux-être pour plus tard. Vous devez accepter de penser et de vivre de telle manière, de pratiquer tel rituel ou telle méditation, de marmonner tel mantra, toutes choses qui vous insensibilisent et vous rendent stupide maintenant dans le but de vous libérer plus tard. Croyez-vous vraiment que toutes ces singeries peuvent vous être de quelque utilité pour voir clair et vous comprendre ? Je ne dis pas qu'il ne faut pas se sentir en résonance avec un courant spirituel quand une évidence se présente, mais s'identifier à un groupe, vouloir faire carrière dans le bouddhisme ou le christianisme, c'est un symptôme de peur ou d'ennui. Vous seriez mieux de ressentir votre peur ou l'ennui de votre vie et d'y voir clair, au lieu d'aller vous cacher et grelotter en groupe derrière une doctrine de libération future.
Quand vous pratiquez une technique, vous répétez toujours la même chose, vous essayez de revivre la même situation afin d'exorciser tout ce qui remet en question votre savoir sur le monde et sur vous-même. C'est complètement mécanique. Comment pouvez-vous espérer qu'un monceau de conditionnements vous mène un jour à la liberté ? C'est cela la grande illusion de ce genre de pratiques spirituelles, dont la principale utilité est de faire rouler les affaires de ceux qui veulent vous sauver à tout prix, de ceux qui veulent vous libérer sans que vous ayez à être présent dans votre vie, bref, tous ceux qui se veulent indispensables dans votre vie. On peut comprendre la pratique de techniques en vue d'acquérir une habileté professionnelle, pour apprendre la clarinette ou la boxe, mais pour vivre la liberté...
Qu'y a-t-il donc derrière cette névrose très ancrée qui consiste à s'en remettre à une technique, à un autre être humain, à une façon de penser ou à une nouvelle drogue ? La peur ! La peur de sentir qu'en fin de compte on n'est absolument rien, du moins rien de tout ce qu'on a pu imaginer, y compris les images infantiles qu'on se crée sur "Dieu" ou sur "le Soi". Ce n'est pas un blâme à l'endroit de ceux qui croient qu'une technique ou un guru va les dispenser de se voir et de se comprendre : l'être humain en est réduit à de telles âneries parce qu'il n'a pas le choix, parce qu'il n'a pas la force et l'humilité d'être simple, direct et honnête avec lui-même. Ainsi, vous ne pouvez demander à un enfant de trois ans de comprendre ce qu'un adulte peut comprendre. Il n'y a rien à imposer à qui que ce soit. Il n'y a aucun jugement ici, simplement une constatation. Par contre, si vous avez l'humilité d'entendre cela sans peur, sans retourner dormir devant un "éveillé", dans un groupe ou derrière une idéologie, alors vous allez peut-être découvrir vous-même que tout est beaucoup plus simple et infiniment plus beau que ce que votre mémoire vous inflige.
La méditation n'a vraiment rien à voir avec une technique. Méditer c'est regarder pour la première fois, alors que pratiquer une technique consiste à répéter pour la nième fois. Se concentrer c'est se couper de la vie, c'est un manque de respect envers ce qui est là. Qu'est-ce donc que vous ne voulez pas voir dans votre vie au juste et pourquoi ? Il n'y a pas à se concentrer ; il n'y a qu'à écouter, regarder.
Méditer ce n'est ni fuir les objets ni aller à la pêche pour en attraper ; ce sont là les deux facettes d'un même manque de maturité. Tout ce qu'on attend, tout ce qu'on espère, tout ce qu'on peut comprendre, ce sont des objets, c'est-à-dire quelque chose qu'un observateur particulier découpe de toutes parts par rapport aux autres "objets" et par rapport à l'arrière-plan silencieux. Si vous allez à la chasse ou à la pêche au fond des bois, vous risquez de tuer un animal ou un poisson qui, comme vous, ne demande qu'à vivre. Ce n'est certes pas là une marque de grande sensibilité, mais quand vous partez chaque jour à la pêche intérieure pour attraper quelque chose de substantiel, vous faites preuve d'une insensibilité encore plus fondamentale : vous n'allez peut-être pas tuer un animal, mais vous allez tuer, ou du moins ensevelir, ce qui en vous est vivant. Au bout de quelques années, vous irez grossir les rangs des vieux croûtons qui errent à la surface de la soupe prétendument spirituelle de cette planète. Chercher à distinguer un objet, chercher à comprendre, chercher un état de conscience, vouloir transcender le monde, devenir un être réalisé, tout cela reflète un manque de clarté et c'est encore un compromis.
La méditation, c'est le respect total de ce qui est là, le respect de la vie telle qu'elle est. C'est le respect de ce que j'appelle ma vie, avec mon corps et mon psychisme tels qu'ils sont. C'est la non-violence parfaite. Cela veut dire que vous ne faites plus dans l'ailleurs ou dans le plus tard. Vous ne pensez plus à votre vie, vous la vivez clairement, directement.

Vous savez ce que veut dire vivre ? Cela veut dire être présent : sentir, ressentir, goûter, regarder, écouter. Ce n'est pas anesthésier cette sensibilité en vivant dans un monde abstrait tissé de notions engluées de mots. Quand vous voyez un arbre, un cerf, un homme, vous vous donnez vraiment à la vision et aussi à ce que vous sentez en vous, vous vous abandonnez au toucher intérieur. Vous n'êtes pas en train d'évaluer l'âge de l'arbre, si c'est un beau cerf ou un homme sympathique. Bien sûr, toutes ces notions peuvent vous venir - vous ne choisissez pas ! - mais vous ne mettez pas l'accent sur elles. Vous êtes beaucoup trop occupé à ressentir, à toucher, à goûter, pour avoir le temps de courir après des concepts ou des opinions. C'est un manque de temps. Généralement, quand on perçoit un objet, un visage ou une énergie, que fait-on immédiatement ? On se détourne de la réalité pour se tourner vers les images proposées par la mémoire. C'est cela vivre de manière abstraite, complexe, virtuelle. La vie est très simple, sauf quand on la regarde à travers le brouillard de la mémoire.
Observez bien ! Notez ce que vous échafaudez par-dessus la perception du moindre objet physique ou mental. Voyez ce que vous construisez encore qui étouffe et ensevelit le regard. Au moment même où vous plongez la main nue dans la neige, il n'y a rien à penser, à juger, à analyser ni à classifier. Au moment même où vous ressentez la tristesse, la colère ou la peur, il n'y a pas davantage à penser ou à "comprendre". À un moment donné, il vous apparaît étrange de rechercher autre chose que ce qui est là, autre chose que ce qui est offert par la vie. Vraiment, cela paraît très étrange.
Voyez les enfants - tant ceux des êtres humains que ceux des animaux -, voyez comme ils ne sont que regard, écoute, sensibilité, attention. C'est universel, c'est inné ; voilà notre vraie nature. N'y a-t-il pas là un signe très clair ? C'est avec l'accumulation des impressions mentales laissées par les innombrables expériences passées que nous nous mettons à vivre dans l'habitude. Avec le temps, nous en venons à accepter l'idée que ce n'est pas la première fois, la seule fois, que nous ouvrons les yeux sur le monde. La notion d'objet va alors de soi et il ne nous vient plus de douter de la réalité de nos images. Notre cerveau, très tôt dans notre vie, a échafaudé une image du "monde" à partir des impressions des cinq sens. Nous sommes dès lors convaincus de la solidité des choses "là-bas" et d'un moi "ici". Le cerveau a construit les notions même de "là-bas" et "ici". Mais si vous absorbez des substances hallucinogènes, alors vous voyez différemment et avec la même conviction. Est-il vraiment nécessaire de se livrer aux drogues pour voir l'aspect fallacieux de nos fragiles images du monde ? Il suffit d'être attentif ! Pendant combien de temps allons-nous rêver et remplacer une image par une autre image ?

La vie méditative, c'est la maturité du regard, dans lequel il n'y a plus l'habituelle ruée bovine sur des objets. C'est une persistance du regard. C'est par impatience que nous nous jetons sur des objets et sur des situations. L'impatience c'est la peur et cette peur repose uniquement sur une pensée. Méditer, c'est persister avec ce qui est là. Cela implique donc le refus des images. Non pas les combattre, non pas chercher à les détruire - qu'y a-t-il à combattre ? - Non. Cela consiste à refuser de se contenter du pâle reflet de la réalité qu'est l'image de soi-même. Quand vous demeurez avec "ce qui est là", à un moment donné cette attention devient silence, étonnement, ravissement, tranquillité. La brume des images se dissipe et il reste une lucidité dans laquelle il n'y a plus ni objet ni sujet. Méditer, c'est vivre sans se localiser. Il n'y a que pur regard, pure attention.
Vous vivez dans le marasme simplement par manque de conviction d'être pur regard, pure lumière consciente. Conviction veut dire évidence directe, non pas conclusion intellectuelle. Les intellectuels vivent dans la même peur que les autres, à cause de la même déficience de conviction. Sans une telle évidence directe, la vie sur terre n'est qu'une interminable errance pour tenter d'éteindre la soif d'expériences et de compréhension. Tant que vous ne demeurez pas présent à ce qui est là dans votre vie, clairement, simplement, vous ne pouvez éclairer vos constructions mentales et réaliser tout ce qu'elles ont de virtuel. La réalité est sans cesse en train de souffler sur le château de cartes de vos fabrications. Mais tant que vous fuyez de situation en situation, de pensée en pensée, vous êtes comme l'impatient qui pénètre dans une pièce sombre en provenance de l'extérieur en hiver : tout ébloui par l'éclat du soleil sur la neige, ne distinguant rien pendant les premiers instant, il se retire de cette pièce, retourne dehors, puis entre à nouveau dans une autre pièce, puis une autre, sans avoir jamais rien vu. Ainsi affligé, vous avez vite fait le tour de votre maison et vous vous sentez toujours aussi vide. Notre regard a besoin d'une certaine persistance pour distinguer. Alors, ce que j'appelle méditation c'est cette persistance du regard, cette insistance de l'attention, sans but, sans projection de ce qu'on pourrait voir. D'ailleurs, il n'y a rien à voir ! Au cours d'une telle attention, il ne subsiste bientôt plus que la pure lumière consciente, qui est la vie elle-même.
(...)

Jean Bouchart d'Orval - Revue 3e Millénaire 2003

6 novembre 2011

Comment se libérer du mental

Lorsque quelqu’un va chez le médecin et lui dit qu’il entend des voix, celui-ci l’enverra fort probablement consulter un psychiatre. Le fait est que, de façon très similaire, presque tout le monde entend en permanence une ou plusieurs voix dans sa tête et qu’il s’agit du phénomène involontaire de la pensée que vous ne réalisez pas avoir le pouvoir d’arrêter. Ce ne sont que monologues ou dialogues continuels.

Il vous est certainement déjà arrivé de croiser dans la rue des déments qui parlent sans arrêt tout haut ou tout bas. En réalité, ce n’est pas très différent de ce que vous et tous les gens « normaux » faites, sauf que vous le faites en silence. La voix passe des commentaires, fait des spéculations, émet des jugements, compare, se plaint, aime, n’aime pas, et ainsi de suite. Ce que cette voix énonce ne correspond pas automatiquement à la situation dans laquelle vous vous trouvez dans le moment. Elle ravive peut-être un passé proche ou lointain ou bien alors imagine et rejoue d’éventuelles situations futures. Dans ces moments-là, la voix imagine souvent que les choses tournent mal et envisage des résultats négatifs. C’est ce que l’on appelle l’inquiétude. Cette bande sonore s’accompagne parfois d’images visuelles ou de « films mentaux ». Et même si ce que la voix dit correspond à la situation du moment, elle l’interprétera en fonction du passé. Pourquoi ? Parce que cette voix appartient au conditionnement mental, qui est le fruit de toute votre histoire personnelle et celui de l’état d’esprit collectif et culturel dont vous avez hérité. Ainsi, vous voyez et jugez dorénavant le présent à travers les yeux du passé et vous en avez une vision totalement déformée. Il est fréquent que, chez une personne, cette voix intérieure soit son pire ennemi. Nombreux sont les gens qui vivent avec un bourreau dans leur tête qui les attaque et les punit sans cesse, leur siphonnant ainsi leur énergie vitale. Ce tyran est à l’origine des innombrables tourments et malheurs, ainsi que de toute maladie.
Mais la bonne nouvelle dans tout cela, c’est que vous pouvez effectivement vous libérer du mental. Et c’est là la seule véritable libération. Vous pouvez même commencer dès maintenant. Écoutez aussi souvent que possible cette voix. Prêtez particulièrement attention aux schémas de pensée répétitifs, à ces vieux disques qui jouent et rejouent les mêmes chansons peut-être depuis des années. C’est ce que j’entends quand je vous suggère « d’observer le penseur ». C’est une autre façon de vous dire d’écouter cette voix dans votre tête, d’être la présence qui joue le rôle de témoin.
Lorsque vous écoutez cette voix, faites-le objectivement, c’est-à-dire sans juger. Ne condamnez pas ce que vous entendez, car si vous le faites, cela signifie que cette même voix est revenue par la porte de service. Vous prendrez bientôt conscience qu’il y a la voix et qu’il y a quelqu’un qui l’écoute et qui l’observe. Cette prise de conscience que quelqu’un surveille, ce sens de votre propre présence, n’est pas une pensée. Cette réalisation trouve son origine au-delà du « mental ».
Ainsi, quand vous observez une pensée, vous êtes non seulement conscient de celle-ci, mais aussi de vous-même en tant que témoin de la pensée. À ce moment-là, une nouvelle dimension entre en jeu. Pendant que vous observez cette pensée, vous sentez pour ainsi dire une présence, votre moi profond, derrière elle ou sous elle. Elle perd alors son pouvoir sur vous et bat rapidement en retraite du fait que, en ne vous identifiant plus à elle, vous n’alimentez plus le mental. Ceci est le début de la fin de la pensée involontaire et compulsive.
Lorsqu’une pensée s’efface, il se produit une discontinuité dans le flux mental, un intervalle de « non-mental ». Au début, ces hiatus seront courts, peut-être de quelques secondes, mais ils deviendront peu à peu de plus en plus longs. Lorsque ces décalages dans la pensée se produisent, vous ressentez un certain calme et une certaine paix. C’est le début de votre état naturel de fusion consciente avec l’Être qui est, généralement, obscurcie par le mental. Avec le temps et l’expérience, la sensation de calme et de paix s’approfondira et se poursuivra ainsi sans fin. Vous sentirez également une joie délicate émaner du plus profond de vous, celle de l’Être.
Il ne s’agit pas du tout d’un état de transe, car il n’y a aucune perte de conscience. Bien au contraire. Si la paix devait se payer par une réduction de la conscience et le calme, par un manque de vitalité et de vigilance, elle n’en vaudrait pas la peine. Dans cet état d’unité avec l’Être, vous êtes beaucoup plus alerte, beaucoup plus éveillé que dans l’état d’identification au mental. Vous êtes en fait totalement présent. Et cette condition élève les fréquences vibratoires du champ énergétique qui transmet la vie au corps physique.
Lorsque vous pénétrez de plus en plus profondément dans cet état de vide mental ou de « non-mental », comme on le nomme parfois en Orient, vous atteignez la conscience pure. Et dans cette situation, vous ressentez votre propre présence avec une intensité et une joie telles que toute pensée, toute émotion, votre corps physique ainsi que le monde extérieur deviennent activement insignifiants en comparaison. Cependant, il ne s’agit pas d’un état d’égoïsme mais plutôt d’un état d’absence d’ego. Vous êtes transporté au-delà de ce que vous preniez auparavant pour « votre moi ». Cette présence, c’est vous en essence, mais c’est en même temps quelque chose d’inconcevablement plus vaste que vous. Ce que j’essaie de transmettre dans cette explication peut sembler paradoxal ou même contradictoire, mais je ne peux l’exprimer d’aucune autre façon.

Au lieu « d’observer le penseur », vous pouvez également créer un hiatus dans le mental en reportant simplement toute votre attention sur le moment présent. Devenez juste intensément conscient de cet instant. Vous en tirerez une profonde satisfaction. De cette façon, vous écartez la conscience de l’activité mentale et créez un vide mental où vous devenez extrêmement vigilant et conscient mais où vous ne pensez pas. Ceci est l’essence même de la méditation.
Dans votre vie quotidienne, vous pouvez vous y exercer durant n’importe quelle activité routinière, qui n’est normalement qu’un moyen d’activer à une fin, en lui accordant votre totale attention afin qu’elle devienne une fin en soi. Par exemple, chaque fois que vous montez ou descendez une volée de marches chez vous ou au travail, portez attention à chacune des marches, à chaque mouvement et même à votre respiration. Soyez totalement présent. Ou bien lorsque vous vous lavez les mains, prenez plaisir à toutes les perceptions sensuelles qui accompagnent ce geste : le bruit et la sensation de l’eau sur la peau, le mouvement de vos mains, l’odeur du savon, ainsi de suite. Ou bien encore, une fois monté dans votre voiture et la portière fermée, faites une pause de quelques secondes pour observer le mouvement de votre respiration. Remarquez la silencieuse mais puissante sensation de présence qui se manifeste en vous. Un critère certain vous permet d’évaluer si vous réussissez ou non dans cette entreprise : le degré de paix que vous ressentez alors intérieurement.

Ainsi, le seul pas crucial à faire dans le périple qui conduit à l’éveil est d’apprendre à se dissocier du mental. Chaque fois que vous créez une discontinuité dans le courant des pensées, la lumière de la conscience s’intensifie. Il se peut même que vous vous surpreniez un jour à sourire en entendant la voix qui parle dans votre tête, comme vous souririez devant les pitreries d’un enfant. Ceci veut dire que vous ne prenez plus autant au sérieux le contenu de votre mental et que le sens que vous avez de votre moi n’en dépend pas.

Eckhart Tolle  Le pouvoir du moment présent

http://www.eckharttolle.fr/

13 juin 2011

Voir

-Tu penses et tu parles beaucoup trop. Tu dois cesser de parler.
- Que voulez-vous dire?
- Tu parles beaucoup trop à toi même. Tu n'es pas le seul à faire ainsi. Chacun d'entre nous le fait. Nous n'arrêtons jamais ce bavardage intérieur. Penses-y. Chaque fois que tu es seul, que fais-tu ?
- Je me parles à moi même.
- De quoi te parles-tu ?
- Je n'en sais rien. De n'importe quoi sans doute.
- Je vais te dire ce que nous nous disons. Nous parlons de notre monde. En fait avec notre bavardage intérieur nous maintenons le monde.
- Comment cela?
- Chaque fois que nous finissons de nous parler, le monde est toujours tel qu'il devrait être. Nous le renouvelons, nous lui insufflons de la vie, nous le supportons de notre bavardage intérieur. Et ce n'est pas tout, nous choisissons aussi nos chemins comme nous parlons à nous-mêmes. Par conséquent, nous répétons toujours et toujours les mêmes choix jusqu'au jour où nous mourons, cela parce que nous continuons toujours et toujours à répéter le même bavardage intérieur jusqu'au jour où nous mourons. Un guerrier est conscient de cela et il s'efforce de mettre fin à son bavardage intérieur. Ce qui constitue la dernière caractéristique d'un guerrier à connaître si tu veux vivre comme un guerrier.
- Comment puis-je cesser de me parler ?
- En premier lieu tu dois faire usage de tes oreilles pour les charger d'une part du fardeau de tes yeux. Depuis le jour de notre naissance nous utilisons nos yeux pour juger le monde. Nous parlons aux autres et à nous mêmes, en termes de ce que nous avons vu. Un guerrier est conscient de cela, et il écoute le monde. Il écoute le son du monde. (...) Un guerrier est conscient que le monde changera dès qu'il cessera de parler, dit-il et il doit être préparé pour cette monumentale secousse.
- Que voulez-vous dire?
- Le monde est comme ci ou comme ça parce que nous disons qu'il est ainsi. Si nous cessons de nous dire que le monde est comme ça, le monde cessera d'être comme ça. Seulement je ne crois pas que tu sois maintenant prêt à une telle gifle, par conséquent tu dois commencer à dé-faire très lentement le monde.

Carlos Castaneda (Voir)

8 juin 2011

Se libérer du connu

La question de savoir s'il existe un Dieu, une Vérité, une Réalité (selon le nom qu'on veut lui donner) ne peut jamais trouver de réponse dans des livres, chez des prêtres, des philosophes, ou des Sauveurs. Personne et rien ne peut répondre à cette question si ce n'est vous-mêmes, et c'est pour cela que la connaissance de soi est nécessaire. Manquer de maturité c'est manquer de se connaître. Se connaître c'est le début de la sagesse.
(...)
Nous, les êtres humains, nous sommes ce que nous avons été pendant des années, colossalement avides, envieux, agressifs, jaloux, angoissés et désespérés, avec d'occasionnels éclairs de joie et d'amour. Nous sommes une étrange mixture de haine, de peur et de gentillesse; nous sommes à la fois violents et en paix. Il y a eu un progrés extérieur depuis le char à boeufs jusqu'à l'avion à réaction mais psychologiquement l'individu n'a pas du tout changé et c'est l'individu qui, dans le monde entier, a créé les structures des sociétés. Les structures sociales extérieures sont les résultantes des stuctures intérieures, psychologiques, qui constituent nos relations humaines, car l'individu est le résultat de l'expérience totale de l'homme, de sa connaissance, de son comportement. Chacun de nous est l'entrepôt de tout le passé. L'individu est l'humain qui est toute l'humanité. L'histoire entière de l'homme est écrite en nous-même.
(...)
L'homme a séparé la vie de la mort. L'intervalle entre vivre et mourir est une peur : c'est elle, la peur, qui crée le temps de l'intervalle. Vivre, c'est notre torture quotidienne, ce sont les insultes de tous les jours, les souffrance et un état de confusion avec des ouvertures occasionnelles sur des mers enchantées. C'est ce que nous appelons vivre, et nous avons peur de la mort qui met fin à ces misères. Nous préférons nous accrocher au connu plutôt que d'affronter l'inconnu, le connu étant notre maison, nos meubles, notre famille, notre travail, ainsi que notre caractère, notre savoir, notre célébrité, notre solitude, nos dieux. En somme, le connu est cette petite entité qui tourne incessamment autour d'elle même, dans les limites de son existence amère.
Nous pensons que vivre a toujours lieu dans le présent et que mourir est un événement qui nous attend dans un avenir lointain. Mais nous ne nous sommes jamais demandé si la bataille quotidienne de nos existence peut vraiment s'appeler vivre. Nous voulons des preuves de la survivance de l'âme, nous écoutons les déclarations des voyants, et les résultats des recherches métapsychiques, mais jamais, au grand jamais, nous ne nous demandons comment vivre, comment vivre dans la délectation et l'enchantement d'une beauté quotidienne.
(...)
Lorsque vous déclarez que vous aimez Dieu, qu'est ce que ça veut dire ? Que vous aimez une projection issue de votre imagination, une projection de vous-même, revêtue d'une certaine respactabilité, conforme à ce que vous croyez être noble et saint. Dire "j'aime Dieu" est une absurdité. Adorer Dieu c'est s'adorer soi même, ce n'est pas de l'amour.
(...)
Voir est une des choses les plus difficiles au monde : voir ou entendre, ces deux perceptions sont semblables. Si vos yeux sont aveuglés par vos soucis, vous ne pouvez pas voir la beauté d'un coucher de soleil. Nous avons, pour la plupart, perdu le contact avec la nature. La civilasation nous concentre de plus en plus autour des grandes villes; nous devenons de plus en plus des citadins, vivant dans des appartements encombrés, disposant de moins en moins de place, ne serait-ce que pour voir le ciel un matin ou un soir. Nous perdons ainsi beaucoup de beauté. Je ne sais pas si vous avez remarqué combien peu sont les personnes qui regardent le soleil se lever ou se coucher, ou des clairs de lune, ou des reflets dans l'eau.
N'ayant plus de contacts, nous avons une tendance naturelle à développer nos capacités cérébrales. Nous lisons beaucoup, nous assistons à de nombreux concerts, nous allons dans les musées, nous regardons la télévision, nous avons toutes sortes de distractions. Nous citons sans fin les idées d'autrui, nous pensons beaucoup à l'Art et en parlons souvent. A quoi correspond cet attachement à l'art ? Est-ce une évasion ? Un stimulant ? Lorsqu'on est directement en contact avec la nature, lorsqu'on observe le mouvement de l'oiseau sur son aile, lorsqu'on voit la beauté de chaque mouvement du ciel, lorsqu'on regarde le jeu des ombres sur les collines ou la beauté d'un visage, pensez-vous qu'on éprouve le besoin d'aller voir des peintures dans un musée ? Peut être est-ce parce que vous ne savez pas voir tout ce qui est autour de vous que vous avez recours à quelque drogue pour stimuler votre vision.
Il y a l'histoire d'un maître religieux qui parlait tous les jours à ses disciples. Un matin où il se trouvait sur son estrade, s'apprêtant à parler, un petit oiseau se posa sur le rebord de la fenêtre et se mit à chater de tout son coeur. Lorsqu'il se tut et qu'il s'envola, le maître dit : "Le sermon de ce matin est terminé."
(...)
Dans la Chine ancienne, un peintre, avant de commencer à peindre quoique ce soit, un arbre par exemple, s'asseyait devant son sujet pendant des jours, des mois, des années - peu importait le temps - jusqu'à "devenir" l'arbre. Il ne s'identifiait pas à lui, il était cet arbre. Cela veut dire qu'il n'y avait pas d'espace entre l'arbre et lui, pas d'espace entre l'observateur et l'observé, pas d'identité vivant sa perception de la beauté, du mouvement, de l'ombre, de la profondeur d'une feuille, de la qualité de sa couleur. Il était l'arbre totalement et en cet état seulement pouvait-il peindre.

J. Krishnamurti "Se libérer du connu"

Jiddu_Krishnamurti_175

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